Un long, long soupir traversa la salle d'attente d'un blanc immaculé dans laquelle s'entassaient patients en tout genre, aux blessures plus ou moins visibles. Louis était assis - ou plutôt affalé ? - sur une chaise, les jambes dépliées et écartées devant lui, la tête reposant contre le mur, dans une parfaite attitude d'attente ennuyée. Il avait cessé de stresser et de s'impatienter, comprenant que ça n'irait pas plus vite en harcelant tous les quarts d'heure la grosse dame de l'accueil. Son bar n'allait pas ouvrir de sitôt, il avait bien fait de laisser un mot sur la porte. Avec un peu de chance cependant, il pourrait tout de même accueillir les clients le soir venu.
Le jeune homme avait fait cette excursion hospitalière le matin à cause de son épaule toujours douloureuse. Il avait eu un échange un peu vif et physique avec l'un de ses clients, heureusement complètement saoul. Il ne lui avait donc pas opposé trop de résistance, mais assez pour que l'épaule de Louis se plaigne depuis quelques jours dès qu'il essayait de faire un mouvement. Rien de très agréable en somme, et même s'il n'était pas particulièrement douillet, cette douleur l'ennuyait fortement. Plus moyen de porter de lourdes charges : pas très pratique quand on était le seul employé d'un bar où il fallait réceptionner des commandes contenant tonneaux et autres caisses de bouteilles. Après avoir vu un médecin, puis un autre, Louis avait dû subir plusieurs examens et on lui avait ensuite gentiment demandé d'attendre les résultats. Cela faisait maintenant quelques heures qu'il patientait, et son cerveau oisif hésitait entre deux théories : soit ils l'avaient tout bonnement et simplement oublié et planté là, soit ils lui avait trouvé quelque chose de grave et étaient en train de se réunir au sommet pour savoir comment éradiquer la maladie. Du coup, Louis passait le temps en cherchant dans ses souvenirs quelles maladies probables il aurait pu développer et qui affecteraient uniquement son bras droit. Il en était à 2.
Alors qu'il se relevait une énième fois pour se diriger vers la grosse dame de l'accueil - peut-être avait-il été vraiment oublié après tout - son regard tomba sur une crinière noir de jais qu'il connaissait bien. "Heeey Paul !" Le jeune médecin se retourna et un sourire apparut sur ses lèvres en reconnaissant Louis. Heureux de retrouver son ancien camarade de classe, les deux jeunes gens échangèrent quelques nouvelles avant que le médicomage ne l'interroge sur sa présence à Sainte-Mangouste. "Alors, tu es venu voir Geneva ?" Louis fit des gros yeux. Quoi ? Geneva, ici ? Il apprit bien vite que la jeune femme était hospitalisée depuis peu, ses blessures la faisant à priori souffrir de nouveau. Le gérant de la Chope Curieuse obtint sans difficulté le numéro de sa chambre, et s'y dirigea rapidement après avoir salué son ami. Ce n'est que sur le chemin, dans les longs couloirs de Sainte-Mangouste, que Louis réfléchit. Était-ce vraiment une bonne idée qu'il aille lui rendre visite à l'improviste ? Depuis un moment, leur relation était couverte d'un lourd voile de gêne, et Louis devait bien admettre qu'il s'était comporté comme un sale idiot. C'était l'une de ses décisions qu'il regrettait le plus, mais il ne savait pas vraiment comment il pouvait réparer les choses maintenant. Il s'était arrêté dans le couloir pour prendre le temps de penser. D'un autre côté, ce n'était pas en évitant Geneva qu'il allait pouvoir arranger les choses. Et puis il n'avait pas été là pour elle une fois, il se devait d'essayer de la soutenir maintenant, quelles qu'en soit les conséquences. Frappant doucement à la porte, il l'ouvrit délicatement. Le spectacle qu'il vit lui serra le coeur : son amie, dont la peau était aussi blanche que les draps du lit où elle se trouvait allongée, avait vraiment mauvaise mine... Et même s'il n'avait rien à voir avec l'enlèvement ni la torture de la jeune femme, il se sentait un peu responsable de son état aujourd'hui. Louis et ses sentiments chevaleresques, qui l'obligeaient toujours à porter tous les maux du monde. "Bonjour Gen'..."